Nul ne savait ce que
devinrent ces courageux hommes mais toujours est-il que jamais ils ne
purent gagner la tanière de Brurmikk. Celui-ci mena une vie
tranquille hors de toute crainte. Il séquestra tout d'abord la jeune
femme qu'on nommait Myelanyl qui terrorisée, profitait de la moindre
occasion pour s'enfuir de sa prison noire. Mais à chaque tentative,
elle revenait piteusement sur ses pas, incapable de trouver le chemin
de son village. Depuis, Brurmikk la laissa libre d'aller où bon lui
semblait, certain de toujours la voir revenir.
Myelanyl finit par se
résigner sans penser à choisir une vie solitaire au cœur de la
forêt où elle serait toujours mieux que sous le joug de cet homme
qui l'hypnotisait de terreur. Peut-être espérait-elle qu'un
chevalier valeureux finirait par déboucher un jour, guidé par le
destin. C'était bien là le dernier rêve d'enfant qu'elle pouvait
imaginer. Son visage doux se marqua rapidement des stigmates de la
peur et de la haine à l'encontre de son geôlier et si elle gardait
toujours son incroyable beauté, elle avait cependant perdu toute
innocence.
Brurmikk ne se désola
pas longtemps de son échec subi au village et retrouva sans efforts
ses plus bas instincts. Dès le soir de son retour dans sa cabane, sa
main entra en action et les coups plurent sur l'infortunée. Sa robe
fut retroussée et la douleur pénétra incessamment sa chair tandis
que son cou était à demi étranglé pour couper court à toute
velléité de rébellion. Heureusement, elle pouvait se réfugier
dans la noirceur de la cabane pour pleurer son désespoir sans
craindre de subir l'irascibilité de son tortionnaire.
Les jours se succédèrent
ainsi sans que rien ne brisât la monotonie de cette routine. Quand
Brurmikk partait vagabonder, Myelanyl s'adonnait au seul plaisir qui
lui donnait un tant soit peu de baume au cœur : nager dans le
lac et sentir l'eau l'envahir comme une illusoire protection. Elle
écoutait le bruit des animaux et des éléments naturels qu'elle
avait appris à différencier de celui sinistre de l'homme caverneux.
Bientôt, elle n'eut plus peur des hurlements de loups au loin ou de
l'errance du vent serpentant entre les arbres. Elle se plaisait à
imaginer que la nature comprenait sa douleur. Malheureusement, aucun
animal, aussi petit fût-il, ne s'approchait près de ce lieu, comme
si tout un chacun percevait l'aura maléfique qui s'en dégageait.
Parfois, quand elle
entendait Brurmikk revenir, elle se cachait derrière la cascade,
collée à la paroi fraîche de la falaise pour retarder de quelques
minutes l'inévitable. D'autres fois, elle sortait de l'eau, le corps
ruisselant et nu, d'une démarche assurée et avec une lueur de défi
dans le regard. Mais Brurmikk n'y prêtait aucune attention et la
traitait invariablement de la même façon comme s'il était sourd à
toute intelligence.
Il ne parlait jamais
même quand Myelanyl tentait d'engager la conversation. Il ne
l'écoutait pas, seulement tourné vers ses propres satisfactions et
ses occupations. Il ne lui donnait jamais l'occasion, à cause de son
hermétisme, de laisser éclater sa colère puisque celle-ci ne
rebondissait sur rien qui lui aurait permis d'être soulagée.
Un jour finit par
arriver ce qui devait arriver. Myelanyl était partagé entre le
bonheur d'élever un petit être et l'angoisse de le voir subir les
brimades de son père, si ce n'est pire. Les mois passaient, son
ventre s'arrondissait et les bleus sur son corps disparurent un à un
car Brurmikk fut pris d'une crainte instinctive devant un événement
qui ne correspondait pas à son univers familier. Toutefois, cela
était bien relatif car cela ne l'empêchait pas d'abuser d'elle.
A l'entame du dernier
mois, Myelanyl ressentit en elle un profond avertissement. Elle
s'exila durant quelques jours et s'arrêta au pied d'un arbre envahi
par la mousse qui lui procura une assise confortable. Elle sonda
l'obscurité de la forêt et d'une voix puissante, elle lança cet
appel :
_ Ô animaux de la forêt,
je viens à vous pour vous supplier. Faites que ma fille que je porte
en mon ventre naisse garçon et ne puisse jamais subir le même mal
que sa mère.
Elle attendit que l'écho
de sa voix se laisse submerger par le silence mais rien ne vint.
_ Ô soleil
inatteignable, ô vent invisible, ô éléments qui font de cette
forêt une terre inviolée, je viens à vous pour vous supplier.
Faites que ma fille que je porte en mon ventre naisse garçon et ne
puisse jamais subir le même mal que sa mère.
Elle attendit que l'écho
de sa voix se laisse submerger par le silence mais rien ne vint.
_ Ô nature indomptable
dont la fierté jamais ne faiblit, je viens à vous pour vous
supplier. Faites que ma fille que je porte en mon ventre naisse
garçon et ne puisse jamais subir le même mal que sa mère.
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